De qui parle-t-on ici ?
Les proches aidants de personnes ayant des troubles psychiques sont les parents mais aussi les frères et sœurs d’une adolescente souffrant d’anorexie. Ils peuvent également être le conjoint, les enfants et les parents d’un adulte atteint par exemple d’une anxiété démesurée et paralysante, de schizophrénie, ou d’une dépendance à diverses drogues. Ou ils peuvent encore être les enfants et petits-enfants d’une personne âgée développant par exemple une dépression ou une dépendance à l’alcool après un départ à la retraite ou un veuvage. Le type de difficultés vécues par ces proches aidants et leur ampleur varient avec le type de trouble psychique qui touche la personne aidée, la durée de la maladie, son impact sur l’autonomie de la personne atteinte, et la combinaison de plusieurs troubles. Les difficultés varient aussi avec les compétences de gestion du stress du proche aidant et la qualité du soutien qu’il reçoit d’autres personnes, y compris des professionnels. On l’aura compris, chaque parcours de proche aidance est unique. Et pourtant, la plupart des proches aidants de personnes ayant des troubles psychiques sont confrontés à divers défis qui créent chez eux un fort sentiment d’impuissance.
La maladie psychique ne se voit pas et pourtant elle affecte tous les aspects de notre vie : ce que nous pensons, ce que nous ressentons, comment nous agissons en général, et en particulier comment nous interagissons avec les autres. Elle va donc influencer la vie professionnelle comme les loisirs, la vie de couple comme les amitiés ou les relations dans la famille. Et pourtant il est difficile de la cerner et d’en être conscient. C’est un processus qui va prendre du temps pour la personne touchée comme pour le proche aidant, et demander des efforts à chacun, ainsi que de l’aide de la part de divers professionnels.
On relève souvent trois grandes zones d’impuissance pour ces proches aidants :
Première zone d’impuissance : un « choc des réalités » entre personne touchée par la maladie et proche aidant, où tous deux peuvent se sentir impuissants à se comprendre et à se rejoindre.
Même si chacun perçoit le monde à sa manière, nous avons d’habitude assez d’expériences similaires pour comprendre globalement ce que vit l’autre. Lorsque la maladie psychique s’en mêle en nous faisant percevoir le monde d’une manière plus particulière, par exemple en y voyant des menaces que la plupart des autres ne voient pas comme telles, elle risque de créer un fossé entre la personne touchée et son proche aidant. Pour combler ce fossé, tous deux ont besoin de bien comprendre comment la maladie transforme le fonctionnement quotidien, pour être unis face à la maladie et continuer à voir la personne au-delà de son trouble.
Deuxième zone d’impuissance : difficile de trouver la bonne distance pour aider assez mais pas trop, tout en prenant soin de soi
La maladie psychique fragilise certains aspects de notre fonctionnement, créant des besoins de soutien souvent remplis par le proche aidant. Dans ce rôle d’aidant, il est parfois difficile de savoir précisément de combien d’aide la personne touchée a besoin, et ce qu’elle peut faire seule, même si elle le fait différemment de nous. Tout investi dans notre rôle d’aidant, nous risquons d’oublier que ce sont les succès de la personne touchée qui nourriront sa confiance en elle, et que tout succès demande d’avoir pu essayer de faire soi-même. Sans compte que trop aider va nous fatiguer. Apprendre à sentir et à accepter ses limites, et se demander ce que la personne touchée pourrait faire seule, au moins en partie, est essentiel quand on a devant nous un parcours qui pourrait bien être long et plein de rebondissements.
Troisième zone d’impuissance : assumer dans la durée un rôle essentiel qui n’est pas toujours reconnu, en particulier par les professionnels
Le proche aidant est souvent celui qui accompagne le plus longuement la personne touchée, alors que les professionnels se succèdent et ne côtoient la personne aidée qu’un laps de temps limité. Pourtant il n’est pas rare que ces professionnels oublient ou ignorent celui qui veille jour après jour, pris par leur mission d’accompagner un patient, de protéger la confidentialité... Alors que le proche aidant, même s’il n’est pas objectif car affectivement impliqué, connaît la personne touchée dans sa complexité et pourrait apporter un éclairage précieux. De plus il est concerné par les options d’accompagnement choisies car elles risquent d’affecter son quotidien. Même si notre système de santé a encore du pain sur la planche pour nous intégrer pleinement en tant que proches aidants, nous pouvons chercher activement le dialogue avec les professionnels, en exprimant nos besoins, et saisir les opportunités de participer aux décisions, comme avec le plan de crise conjoint.
Vous vous reconnaissez dans certaines de ces descriptions et souhaitez en savoir plus ? Vous ressentez de l’impuissance en lien avec d’autres situations que nous n’avons pas évoquées et avez envie d’en parler ? Vous êtes simplement curieux d’en apprendre plus à ce sujet ?
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